L'auteur




Emmanuelle Han est née en 1972, à Paris. Grande voyageuse, ayant soif de découvrir le monde et les histoires qu’il a à transmettre, elle se tourne, après des études de Lettres, vers le documentaire. Elle réalise son premier film en 2002, au Niger, puis participe, pendant 20 ans, à de nombreux tournages aux quatre coins de la planète, en tant qu’auteur et réalisatrice. Avec la série documentaire « Sans crier Gare », elle embarque aussi, pendant 4 ans, à bord de l’aventure des « Nouveaux Explorateurs », pour Canal+.

Entre deux tournages, l’écriture revient toujours, comme un appel du large autant qu’un retour aux origines. La simplicité de l’écriture lui permet de dire ce que l’image n’a pas pu montrer et de témoigner, plus librement, des merveilles, fragiles et puissantes, que notre monde détient, souvent avec pudeur et secret.




En 2014, elle publie un premier ouvrage Flying Blues, un recueil de textes et d’images issus de ses voyages, une errance poétique et singulière à travers le monde et la globalité. 

Fascinée depuis l’enfance par les histoires et leur pouvoir, Emmanuelle Han bascule, avec La Sublime Communauté, son premier roman, dans la fiction. Mais la réalité demeure sa principale source d’inspiration et il s’agit bien, toujours, de la révéler, grâce au bain de l’imaginaire, avec encore plus de netteté. Rendre au réel la magie qui lui appartient, par le biais de l’imagination, une restitution essentielle selon l’auteur, dans un monde de plus en plus global et dématérialisé, propice à l’égarement et à la confusion.


Interview



Réalisatrice de documentaires pour la télévision, vous signez avec La Sublime communauté, votre premier roman. Comment s’est effectué pour vous ce passage de l’image à l’écrit ?

Il n’y a pas eu de « passage » à proprement parler. J’ai toujours écrit, pendant les tournages, entre deux voyages, et l’image elle-même est une forme d’écriture. A vrai dire, j’ai souvent l’impression d'avoir « le cul entre deux chaises »: quand je fais des images, j’entends des mots, et quand j’écris, je vois des images… Mais l’écriture me donne indéniablement un sentiment de grande, très grande, liberté par rapport à l’image. De ce point de vue, écrire est le plus beau métier du monde. Il ne faut rien. Absolument rien. Pas d’équipement, pas de billet d’avion, pas de chambre d’hôtel, pas de production, pas de budget… On peut aller partout, tout raconter, tout inventer, tout changer, tout imaginer, tout créer, il n’y aucune limite puisqu’il n’y aucune matérialité.
Le vrai changement pour moi avec La Sublime Communauté, c’est la bascule dans la fiction. Jusqu’ici, à l’écrit ou à l’image, j’avais toujours un lien fort au réel, au documentaire ou à l’autobiographie. Avec ce premier roman, c’est bien d’un récit imaginaire dont il s'agit, même si mes sources, elles, demeurent très réelles. Et j’ai paradoxalement le sentiment de mieux pouvoir décrire, d’être au plus près de la réalité en passant par le biais de l’imagination.


Eprouviez-vous le besoin de retranscrire vos expériences de voyages par un autre moyen ?

Absolument. J’ai souvent été un peu perplexe de ne pouvoir exprimer qu’une petite partie de ce que je voyais et en plus d’une certaine manière. La télévision est très calibrée. Il était quelques fois difficile de réussir à transmettre l’essentiel à l’intérieur de ces contraintes. L’essentiel selon moi, et c’est tout à fait personnel, ne se donne pas directement, il ne peut pas être étalé, exposé brutalement, jeté dans l’arène. Sans ménagement, il risque de s’étioler, de perdre de son sens et surtout de sa puissance. Il faut un minimum de préparation, d’installation, il faut des préliminaires... La télévision d’une manière générale n’a pas le temps pour les préliminaires, il faut aller droit au but, et vite. C’est relativement incompatible avec le récit. Et sans récit, sans histoire, sans poésie, comment amener à faire sentir l’essentiel, à restituer son ampleur, sa magie ?


Pourquoi avoir choisi d’écrire un roman dystopique ? êtes-vous une lectrice de ce genre littéraire ?

Très honnêtement, je n’ai pas choisi d’écrire un roman dystopique. Une histoire est venue me rendre visite, des souvenirs, des lieux, des personnages, des préoccupations se sont soudainement assemblés et j’ai suivi le mouvement. Ce n’était pas prémédité. En revanche, je n’ai pas non plus été étonnée puisque j’ai toujours aimé ce genre de récits. J’ai toujours été fascinée par l’exploration de mondes alternatifs, parallèles, par les histoires qui projettent toute sorte d’extensions possibles de notre monde, le révélant par là même. J’aime la dimension critique, préventive d’une certaine manière, de la dystopie. Des émotions, des considérations, plus ou moins conscientes, liées à mes voyages, m’y ont aussi certainement conduite: plus l’on voyage, plus on est pénétré, qu’on le veuille ou non, par l’état du monde.


Les questions environnementales sont largement évoquées dans votre roman, est-ce une préoccupation qui vous tient à cœur ?

J’ai eu la chance, en voyageant, de réaliser pleinement combien la terre est magnifique, vivante, parlante, et aussi en danger. Elle a autant besoin de nous que nous d’elle. Quand on est saisi par la beauté du monde, on ne peut que s’incliner et souhaiter ardemment qu’elle soit choyée, préservée. Au beau milieu du Ténéré ou de l’Himalaya, par exemple, on se sent tellement reconnaissant de faire partie d’un tel écosystème... et tellement bête de ne pas s’en être rendu compte plus tôt! Tout à coup l’interconnexion devient évidente, entre les paysages, la nature, les êtres, c’est d’une incroyable diversité et en même temps d’une unité saisissante. Cela va bien au-delà de la pure « question environnementale », c’est tout notre rapport au monde, au vivant, à notre manière de vivre, de nous relier les uns aux autres et à nous-mêmes qui est en jeu.
Imaginer ce que le monde pourrait devenir si rien ne change est effrayant. On voudrait pouvoir se dire que c’est de la science-fiction ou de la dystopie, mais… Ceci dit rien ne sert de désespérer. Tout est encore possible, tout est toujours possible, à chaque instant. Et observer les enfants d’aujourd’hui me donne une grande confiance. Ils ont une lucidité, une conscience et une énergie très différentes.


Pourquoi faites-vous appel autant aux contes et aux mythes du passé dans un roman qui nous projette dans le futur ?

Précisément parce qu’ils sont intemporels et que, à bien des égards, ils constituent un pont entre le passé et l’avenir, une transmission, dont il me semble fondamental de préserver la continuité. Les peuples, tous les peuples, ont accumulé beaucoup de sagesse au fil du temps, et cette sagesse bien souvent est contenue, intacte, dans les contes et les mythes. Ils sont un véritable réservoir d’une partie de notre humanité. Chacun à leur manière, ils parlent, justement, d’un lien plus juste entre la nature et les hommes, les hommes et les animaux, les hommes entre eux, chaque homme vis-à-vis de lui-même. Ils sont une quête d’harmonie et donne des clés, universelles, sur la manière de franchir les obstacles et de parvenir à restaurer l’équilibre.


Etes-vous déjà dans l’écriture du deuxième tome ? le mystère des Six Mondes sera-t-il dévoilé ?

Oui, j’y suis ! Je ne prévois pas tout à l’avance, beaucoup de choses se tissent au fil de l’écriture, je ne peux donc pas tout anticiper en ce qui concerne cette histoire qui est, même pour moi, une constante découverte, mais oui, bien sûr, le mystère des Six Mondes sera dévoilé… en tout cas en grande partie!



Emmanuelle Han : quand les voyages forment la jeunesse





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